Le blog consacré à l'actualité du cyclisme féminin.
Ludivine HENRION
Merci de bien vouloir vous présenter
Je m'appelle Ludivine HENRION. J'ai 21 ans (depuis le 23 janvier 2005). J'ai presque fini (en décembre 2005) mes études en éducation physique (prof de sport). Après je vais me consacrer au cyclisme avec éventuellement un petit boulot (à envisager). J'ai roulé pour une équipe hollandaise en 2005 (Therme Skincare). En 2006, si tout va bien je reviens dans mon pays (Belgique) chez Lotto-Belisol, l’équipe avec qui j’ai pu participer au Trophée d’Or 2005. Je fais de la compétition depuis mes 12 ans avec pour le moment un total de 67 victoires à mon actif (+ 3 de 12 à 14 ans avec les garçons).
Parmi ces victoires,
- 5 titres de championne nationale (cadettes route et CLM ’99 et ’00 et juniors route ’02) ;
- 2 étapes du Trophée d’Or (’04 et ’05).
Mais aussi 3 participations au mondial (Lisbonne et Zolder chez les juniors ainsi que Madrid cette année) et 8e et 9e des championnats d’Europe espoirs (’04 et ’05).
Dans quelle région courrez-vous?
En Belgique (petit pays avec peu de cyclistEs !), il n’y a qu’une épreuve par jour. J’y participe donc quand je ne suis pas sur une course internationale à l’étranger.
Combien d'heures par semaine vous entraînez-vous?
En saison, une quinzaine d’heures avec un travail des mes points faibles ou forts, de l’endurance et de la récupération.
Combien de kilomètres par an faites-vous?
L’an passé, j’ai effectué 16000km sur ma bicyclette. L’an avant, 13000. Je pense que l’an prochain je vais approcher les 20.000km
Quelle roue libre utilisez-vous au cours de la saison et pourquoi ce choix? Ou bien adaptez-vous le matériel que vous utilisez en fonction des compétitions auxquelles vous participez?
Je roule la plupart du temps avec une cassette 23-11. J’ai besoin du 11 dans les sprints surtout dans les grandes courses. Tant que le relief n’est pas « exagéré » le 23 suffit mais dans des courses comme la Flèche Wallonne, le 25 est préférable. Je change donc ma cassette en 25-11 ou 12 si la course est difficile.
Quelle denture utilisez-vous généralement (petit et grand plateau)? Quels en sont les avantages et les inconvénients?
J’utilise toute l’année le 39 et 53. Le 39 est bon pour l’entraînement et les courses « difficiles » ou le petit plateau est nécessaire. Le 53 est utile dans les grandes courses en particulier.
Utilisez-vous des roues 650 ou 700? Pourquoi?
J’ai toujours utilisé des 700 car tout le monde utilise celles-là et je ne vois pas pourquoi ne pas faire comme tout le monde…
Comment fonctionnez-vous dans votre préparation? Merci de développer.
Je fais une préparation physique générale jusque décembre avec de la natation, du footing, du VTT et de la route. Ensuite, je prends le vélo sérieusement pour augmenter petit à petit la longueur et l’intensité des entraînements au fil des semaines pour être « apte » fin février pour le début des compétitions.
Avez-vous un entraîneur?
Oui, j’en ai un depuis 4 ans maintenant. Il me dirige dans mes entraînements mais je les ajuste en fonction de mes sentiments, de ma forme et de mon envie. Cette année je pense qu’on va prévoir un entraînement spécial pour améliorer mes points faibles (côtes et chrono).
Faites-vous une coupure durant l'hiver?
Oui, après le Chrono des Herbiers, j’ai fait 3 semaines de « glandage complet » J. Ensuite j’ai repris tout doucement par le footing et la natation. Cette coupure est, pour moi, importante au niveau physique mais surtout au niveau mental. C’est le moment de faire le bilan de la saison, des bons et des mauvais points afin de retrouver la motivation nécessaire afin de ne plus refaire les mêmes erreurs.
Quelle a été votre plus grande satisfaction depuis le début de votre carrière?
Il y en a plusieurs :
- Mon début chez les filles en 1999 où j’ai remporté ma 1e victoire ainsi que mon 1e titre national
- Ma progression chaque année au niveau international avec en point d’orgue mes 2 victoires au Trophée d’or ainsi que ma 3e place sur 170 au Holland Ladies Tour (UCI 1.1) à la 1e étape (2005)
Quelle fut votre plus grande déception?
Mes trois championnats du monde où chaque fois (surtout à Zolder, à 50km de chez moi !) tout le monde attendait beaucoup de moi et où je n’ai jamais su confirmer les espoirs. J’espère que les dirigeants nationaux ne vont pas en tenir compte pour la suite…
Avez-vous des regrets et si oui lesquels?
Non car chaque défaite est une leçon qui sert pour la suite. On ne peut pas être tous les jours à 100% et le cyclisme reste pour moi un loisir. Je ne suis qu’au début de ma carrière, j’espère…
Ludivine et le vélo
Etes-vous issue d'une famille sportive?
Comme dirait un des Dupont (avec T ou D je ne sais plus lequel ;-), je dirais même plus une famille de cyclistes… En effet, mes oncles et mon père ont fait des compétitions cyclistes auparavant. Ensuite, mon père s’est toujours occupé de coureurs cyclistes et c’est ainsi que le virus m’a été transmis ainsi qu’à mes deux frères puisqu’ils font également du vélo (mon grand frère a effectué un stage chez Davitamon Lotto fin 2005 !)
Vous souvenez-vous de votre premier vélo? Quel souvenir en gardez-vous? Le possédez-vous toujours?
Oui bien sûr que je me souviens de ce petit vélo. C’était mon premier vélo de course. Je l’ai eu vers 6 ou 7 ans. J’ai effectué des centaines de kilomètres dessus lorsque j’étais plus jeune puisque chaque dimanche j’allais rouler 60km avec une centaine de cyclos dans la région (à 8 ans). Je ne l’ai plus pour le moment mais je ne le perds pas de vue puisque chaque nouveau « petit » qui veut commencer à rouler je lui prête. Bien sûr, ils en prennent soin et sont tout fiers ;-)
Pourquoi avoir choisi le vélo? Que vous apporte la pratique du cyclisme? Quelles sensations vous apporte-t-il par rapport à d'autres sports?
J’ai joué au foot jusque l’âge des compétitions en Belgique (12 ans). Le cyclisme est un sport individuel où on est obligé de pédaler pour avancer. Avec mon sale caractère, c’est un sport juste taillé pour moi. Ben oui, je peux me défouler sinon « pauvres papa et maman » Vous allez rire mais le moment pendant lequel j’adore le vélo, c’est quand je râle… Je prends mon vélo et je vais rouler sous la pluie toute seule. Ca fait du bien je vous assure !
Dans la mentalité française le cyclisme est un sport plutôt réservé aux hommes, comment en êtes-vous arrivé à faire de la compétition?
Quand on est « fabriqué » pendant un camp d’entraînement, je ne sais pas comment on pourrait échapper à ce virus. Non mais allez sérieusement, comme expliqué auparavant, j’ai été dans ce milieu depuis ma naissance. Résultat : moi aussi je m’y suis mise et j’ai emmené mes 2 frères sur mon porte-bagage.
Quels obstacles avez-vous rencontrés?
Aucun puisque dès le début j’ai été très soutenue par mes parents, ma famille mais aussi par un grand nombre de supporters. A ma première course, plus de 20 personnes avaient fait le déplacement pour m’encourager ! Je ne les ai pas déçus puisque je finis 2e au milieu d’une vingtaine de garçons… La plupart me suivent toujours mais bien sûr le cercle « supporters des Henrion’s » s’est agrandi. Pour 2006, nous prévoyons créer un club de supporters où nous sommes certains que plusieurs centaines vont nous rejoindre…
Avez-vous des idoles dans le cyclisme? Lesquels? Sont-ils/elles des modèles pour vous?
Mon idole était Johan Museeuw avec son caractère qui lui a permis de revenir chaque fois au meilleur niveau après un accident. Il a prouvé également qu’un coureur peut gagner plusieurs types de courses au fil de sa carrière. Même s’il est touché par des affaires de dopage pour le moment, quand je le vois, je reste en admiration ! Ici en Belgique, c’est un mythe…
Par rapport à votre expérience de la compétition, quels conseils pourriez-vous donner? Que faut-il faire, que faut-il éviter?
Etant jeune, je pense que j’ai encore beaucoup à apprendre mais mon expérience internationale est déjà riche. Et c’est en se frottant aux meilleures du monde qu’on progresse. Il ne faut pas avoir peur, quand on a l’occasion d’aller disputer une course internationale, il faut y aller. Ce ne peut être que positif !
Le cyclisme féminin aujourd'hui
Pensez-vous qu'une femme peut vivre de la pratique de son sport à l'heure actuelle?
Très bonne question ! Je me la pose à longueur de journée… Pour le moment, je pense que oui c’est possible de vivre du cyclisme mais uniquement lors de sa carrière. Après, à moins de s’appeler Leontien Van Moorsel, il faut continuer à travailler, raison pour laquelle j’ai fait mes études ! Je trouve même cela honteux ! Je prends toujours cette image injuste : Quand on voit les tenniswomen, une petite averse (ah non, pardon, une goutte…) le match est stoppé. Nous, nous roulons dans la pluie, le vent, le froid et parfois la neige ! Enfin, c’est la loi du sport comme on appelle ça. Pffffffffffffff
Quel regard portez-vous sur le cyclisme féminin? Et en Belgique plus particulièrement?
Le cyclisme féminin est en évolution continue depuis plusieurs années. Je connais très bien un commissaire international qui était président de jury au Holland Ladies Tour. Il avait fait le Tour de Drenthe, il y a 5 ou 6 ans et il a raconté à mon frère, je cite (lisez ceci avec un bon accent liégeois) : « A Drenthe, il y a 5-6 ans, parfois 2 ou 3km en file indienne puis tout se regroupait. Eh au Tour de Holland toute l’étape en file ! 45 de moyenne mon gars. Comme les mecs, les pros. Incroyable, je n’en revenais pas ! ». Les Coupes du Monde et autres courses proposées en même temps que les pros ne peuvent être que favorables au cyclisme féminin. En Belgique, il est aussi en évolution. Les filles arrivent et les organisateurs commencent à comprendre que les courses internationales manquent. En effet, chaque fois qu’une Belge veut disputer une course internationale, elle doit aller à l’étranger. Pas toujours facile !
Selon vous, pourquoi peu de sponsors s'engagent dans votre sport alors que le tennis féminin, l'athlétisme ou d'autres sports féminins sont soutenus par des sponsors?
Le cyclisme masculin est beaucoup médiatisé et vole peut-être un petit peu la vedette aux filles. Le cyclisme féminin n’est peut-être pas assez « sexy » pour le public. Etant donné que les sponsors sont attirés par la popularité du sport et les médias, ce n’est pas facile ! C’est un cercle vicieux…
Quelle est la plus grosse somme d'argent que vous a rapporté une course?
Oula… Le Trophée d’Or 2004 où je suis montée tous les jours sur le podium avec presque tous les jours un Top 10 et une victoire à la dernière étape. Une troisième place au classement des jeunes et quelques primes supplémentaires… Ce qui fait un total de plus de 500 euros en 5 jours.
Quelles seraient selon vous les solutions à mettre en place pour développer le cyclisme féminin?
- Faire encore plus de courses en même temps que les pros hommes avec pourquoi pas trouver une solution pour le Tour de France.
- Attirer les filles et les spectateurs
- Médiatiser plus. Quand on voit que tout est mis en place (au niveau TV) lors des arrivées des Coupes du Monde (celles courues en même temps que les hommes) et que les derniers kilomètres ne sont même pas diffusés, c’est honteux ! C’est vrai que maintenant les personnes qui se trouvent sur la ligne d’arrivée de la Flèche wallonne, par exemple, commencent à râler de ne pas avoir de nouvelles des filles pendant la course et qu’on ne retransmet que la course des hommes pendant que les filles roulent. - Ici, en Belgique, séparer les filles et les garçons dès le début !
- Eviter la comparaison entre le cyclisme féminin et masculin
En tout cas, des gens comme Remy Pigois manquent dans le monde du cyclisme féminin ! Ils se dévouent pour nous. C’est grâce à des gens comme ça qu’on avance ou qu’on pourrait avancer.
Bravo et surtout merci, d’ores et déjà, à eux et à tous les sites qui mettent le cyclisme féminin en valeur…
Merci beaucoup à Ludivine Henrion d'avoir accepté et consacré du temps à répondre à ces questions. Pour en savoir plus sur elle, visitez son excellent blog: http://ludihenrion.skyblog.com